L’histoire de l’ostéopathie au Royaume-Uni

C'est à la fin du XIXe siècle que l'ostéopathie fait ses débuts au Royaume-Uni, notamment grâce à la participation décisive de J.M. Littlejohn, fondateur de la première école d'ostéopathie du pays. S'ensuivent des années d'agitation et d'expansion, marquées par l'ouverture de plusieurs écoles et associations professionnelles, dont les rapports ne sont pas exempts d'antagonismes et désaccords. Toutefois, dès les années 80, les ostéopathes britanniques parviennent à s'unir, obtenant rapidement des résultats extraordinaires.

  1. Les premières conférences de J.M. Littlejohn

Des informations sur l’existence de l’ostéopathie arrivent en Grande-Bretagne dans les dernières années du XIXe siècle. John Martin Littlejohn – à l’époque professeur de physiologie, psychologie et psychiatrie et étudiant en ostéopathie depuis 4 mois à l’ASO de Kirksville (Journal of Osteopathy 1898:235; Collins 2005; O’Brien 2016:32) – conserve certaines amitiés dans les cercles littéraires et scientifiques. Cela lui permet notamment de se rapprocher de la petite et controversée Society of Science, Letters and Arts.

Au mois de juillet 1898, J.M. Littlejohn prépare une première conférence. Elle sera lue en son absence – probablement appelée « Osteopathy in line of apostolic succession with medicine » (L’ostéopathie en ligne de succession apostolique avec la médecine) – et souligne la manière dont l’ostéopathie ne doit pas être considérée comme un développement indépendant de la médecine mais plutôt une évolution et réforme du système sanitaire. En adéquation avec la pensée de A.T. Still, il affirme en plus que les médicaments n’ont pas leur place dans le système ostéopathique et que les traitements basés sur l’anatomie et la physiologie peuvent s’articuler en un bref ajustement ou bien une intervention générale plus longue. Le thème est le même que les discours que J.M. Littlejohn a prononcés lors de la remise des diplômes aux étudiants de l’ASO au mois de juin passé et février 1899 (Campbell 2020:211).

De plus, en janvier 1899 la Society of Science, Letters and Arts lui confère la médaille d’or pour sa contribution à la science, surtout pour ses textes en matière de physiologie. Cette reconnaissance est annoncée dans la revue mensuelle de l’ASO au mois de mai suivant (Journal of Osteopathy, 1899).

La Society of Science, Letters and Arts souvent abrégée Society of Science voice SSLA permet aux associés d’apposer la signature F.S.Sc. (Fellow of the Society of Science) après leur nom. À partir de 1882, l’association vit un peu plus de vingt ans. Elle n’a pas de requis particuliers quant à l’admission. On la confond souvent avec d’autres sociétés prestigieuses aux noms similaires déjà existantes comme la Royal Society of Literature et la Royal Society dont les associés détiennent respectivement le titre F.R.S.L. et F.R.S. Le manque d’attention de Littlejohn à préciser certaines inexactitudes à ce sujet l’expose aux critiques en 1935 quand les ostéopathes britanniques tentent d’obtenir la reconnaissance légale (Campbell 2020:211;213;625:640; Boston Institute of Osteopathy. Osteopathy explained. Boston, ca. 1900).

Au cours de l’été 1899, J.M. Littlejohn retourne en Europe et tient à nouveau une conférence à Londres auprès de la Society of Science, Letters and Arts. Mais cette fois, la mort soudaine du dr. Sturman – secrétaire de l’association et ami proche – l’oblige à consigner le texte du discours qui sera lu plus tard lors du mémorial de Sturman (Campbell 2020:239).

D’autres ostéopathes formés en Amérique oeuvrent au Royaume-Uni depuis le début des années 1900. Par exemple, en 1902 Francis (Franz) J. Horn, ami de J.M. Littlejohn, ouvre un cabinet à Londres alors que L. Willard Walker exerce la profession à Glasgow. Quand un de ses patients lui demande de soigner sa soeur, Jay Dunham quitte le Kansas et s’établit en Irlande en 1903, où il va déménager l’année suivante à Harvey Foote. En 1907, c’est l’ouverture de deux nouveaux cabinets par Wilfrid Streeter et Elmer Pheils, situés respectivement à Glasgow et Birmingham. Le premier professeur d’anatomie à l’ASO William Smith, qui a toujours la bougeotte, déménage en Écosse après 1910 où il meurt prématurément en 1912 après une pneumonie (Collins 2005; Grigg 1967). Le JAOA (October 1907:67) ne tarit pas d’éloges au sujet des ostéopathes mentionnés ci-dessus et d’autres qui – bien qu’ils ne puissent pas se vanter du titre de médecin – sont parvenus à traiter des patients.

Dans un article de 1909 (The Osteopathic Physician 1909:2-3) Stanley H. Hunter, neurologue et ophtalmologue ostéopathique, vice-président et professeur d’ophtalmologie au Pacific College of Osteopathy, décrit les possibilités de développement de l’ostéopathie au Royaume-Uni. Selon lui, même s’il ne semble pas y avoir de problème quant à la loi, les ostéopathes devraient s’en tenir à l’usage de titre de docteur et éviter de prescrire des médicaments. Obtenir la reconnaissance légale serait très difficile puisqu’à ce jour aucun institut de formation britannique n’est créé.

En attendant, les évènements auxquels ont eu droit les américains se reproduisent : en l’absence d’une loi de réglementation, les praticiens sans qualification, qui se définissent ostéopathes, prolifèrent. De toute façon, plusieurs ostéopathes américains qui ont déménagé à Londres et Manchester ont fait carrière, peut-être grâce à la tradition enracinée des rebouteux dans certains coins des Îles Britanniques. Au début, l’ostéopathie n’est pas vue d’un mauvais oeil. Au contraire, elle obtient le soutien de personnages de haut rang et rencontre un certain intérêt auprès des membres de la classe des médecins. En 1910, le dr. Alexander Bryce rédige un article qui met en garde contre les risques de la manipulation pouvant aggraver les cas aigus mais encourage aussi à trouver ce qu’il y a de bon dans cette méthode pour l’intégrer à la médecine (Bryce 1910; Collins 2005:13).

Néanmoins, l’ordre britannique des médecins (General Medical Council, GMC) s’oppose vivement à la pratique de soins médicaux par des personnes non qualifiées. Dans les premières années du siècle nouveau, il s’emploie à éradiquer l’habitude populaire consistant à recourir aux praticiens sans diplôme de médecine. Par exemple en 1908, il lance une campagne contre Herbert Barker, un célèbre rebouteux très sollicité y compris par les classes aisées et l’aristocratie. Épaulé par le GMC, un client traîne Baker en justice pour le faire condamner.

Lorsqu’un rapport de 1910 souligne que malgré les politiques de la classe médical, la catégorie des rebouteux est plus florissante que jamais, la réaction du GMC ne se fait pas prier : non seulement il interdit à ses membres de collaborer avec toute personne non qualifiée, mais il fait radier le dr. Axam, le médecin anesthésiste travaillant avec Barker, pour conduite diffamatoire. Ceci s’avère cependant contreproductif. En effet, une grande partie de l’opinion publique y compris le quotidien The Times, habituellement solidaire de la médecine orthodoxe, jugent cette mesure démesurée (O’Brien 2016:59). De son côté, Herbert Barker se targue d’avoir aidé un milliers de patients dont beaucoup se sont tournés vers lui après les résultats infructueux des médecins. Comme il désire enseigner au sein des universités de médecine et transmettre ses méthodes, Barker doit être qualifié mais les polémiques autour de lui l’empêchent d’obtenir un diplôme honoris causa. La question se résout en lui octroyant le titre de baronnet en mai 1922 (Bishop 2002). en 1936, il donne une démonstration de ses méthodes face à une centaine de membres de la British Orthopaedic Association, dont existe un enregistrement vidéo (Youtube a, Youtube b).

La lutte de la classe médicale pour garantir que les prestations de santé soient uniquement délivrées par des praticiens s’exacerbe aussi aux USA, d’où sort le Rapporto Flexner en 1910 photographiant les conditions des universités de médecine américaines, donnant au passage un portrait très négatif (Flexner 1910). La nouvelle résonne jusqu’au Royaume-Uni. Abraham Flexner, auteur du rapport, exclut de l’enquête les écoles de chiropraxie et mécaniques-thérapeutiques et divisent les écoles restantes en scientifiques et sectaires. Dans cette deuxième catégorie, il inclut les huit écoles d’ostéopathie américaines, en plus de celles éclectiques, homéopathiques et de physiothérapie – toutes jugées négativement. Selon Flexner, le nombre total de 1300 étudiants en ostéopathie génère plus de 200 000 dollars par an, que les propriétaires vont utiliser pour agrandir les locaux ou s’enrichir au lieu d’embaucher des professeurs à temps plein et acheter le matériel pédagogique.

À la différence de ce qui s’est passé aux USA, où l’AOA réussit à défendre la catégorie des ostéopathes en faisant front commun malgré les divergences, au Royaume-Uni on assiste à une multiplication de plusieurs organismes de formation et diverses associations, qui représentent les ostéopathes, naturopaths et chiropracteurs. Ces instituions ne parviennent pas à trouver une stratégie commune à la défense de la profession. Dans certains cas, ils ont même consacré des ressources limitées à de longues controverses au sujet de qui pouvait prétendre au titre d’ostéopathe, dans une atmosphère d’animosité du monde médical.

Très schématiquement, parmi les associations et écoles, qui constituent les protagonistes dans le développement de l’ostéopathe en Grande Bretagne au début du XXI siècle, on peut nommer celles-ci :

  • 1910 – la British Osteopathic Society, l’association fondée par les premiers ostéopathes américains sur le sol anglais, qui prend le nom de BOA, British Osteopathic Association (affiliée à l’AOA américaine), actuellement connue sous le nom de Institute of Osteopathy;
  • 1917 – la British School of Osteopathy ou BSO, la première école sur le territoire du Royaume-Uni, fondée en 1917 par J.M. Littlejohn, qui dès 1917 prend le nom de University College of Osteopathy, UCO;
  • 1921-1926 – la Manchester School of Bloodless Surgery (designed 1923 Looker College of Osteopathy and Chiropractic) fondée par William Looker, mort prématurément d’une pneumonie en juillet 1926;
  • 1924 – l’Osteopathic Defense League, fondée par Wilfrid Streeter, regroupe les sympathisants de l’ostéopathie;
  • 1925 – l’IAO, Incorporated Association of Osteopaths, fondée par quelques diplômés de la Looker School;, qui ne sont pas admis à la BOA, les membres peuvent porter le titre de « médecin ostéopathe » ou « chirurgien ostéopathe »;
  • 1925 – la Nature Cure Association of Great Britain and Ireland, qui assemble les praticiens pratiquant les thérapies naturelles;
  • 1925 – le British College of Chiropractic – fondé par A. Warde Allen;
  • 1928 – la Western Osteopathic School – fondée par Tom Mitchell Fox.

Revoyons-les dans le détail:

  • BOA ou British Osteopathic Association (1910)12 ostéopathes américains fondent en 1910 l’association des ostéopathes britanniques, dénommée initialement British Osteopathic Society, puis BOA, British Osteopathic Association, qui oeuvre en accord avec les standards prévus par l’AOA (American Osteopathic Association). En effet, comme aux USA, il y a beaucoup d’ostéopathes au Royaume-Uni sans formation, ou qui s’auto-proclament ostéopathes après avoir suivi quelques cours ou encore lu des guides d’auto-apprentissage. L’éditeur Psychic Research C, par exemple, publie à Londres le « Home Study Course in Osteopathy, massage and manual therapeutics« , très similaire à la version américaine éditée par le Columbia College of Osteopathy (Collins 2005; O’Brien 2013).La BOA – qui en 1923-24 accueille 36 membres dont 11 femmes (O’Brien 2013:17) et en 1925 en compte 50 dont 6 médecins (Collins 2005) – ne parvient jamais à prendre le contrôle de la profession comme le fait so homologue outre-atlantique, mais grâce à ses liens avec les classes aisées elle a une influence majeure sur l’ostéopathie britannique. Elle trouve parmi ses membres honoraires le célèbre rebouteux Herbert Barker, qui reçoit en 1925 le diplôme ad honorem en ostéopathie par le Kirksville College of Osteopathic Medicine and Surgery (au sein duquel l’ASO a fusionné).
  • British School of Osteopathy (1917)J.M. Littlejohn abandonne définitivement les États-Unis et emménage à Londres en 1913. En 1914, il songe à l’idée d’ouvrir une école avec Francis Horn et L. Willard Walker. En mars 1915, ils font une première tentative mais en raison de la guerre la construction du bâtiment, qui opère comme clinique fréquentée par 30-50 patients par semaine, est impossible. On rappelle plusieurs traitements réussi administrés à des troupes armées.La British School of Osteopathy est officiellement constituée en 1917 par Littlejohn et Horn, chacun détenant l’une des deux actions en livre sterling en vertu de la réglementation en temps de guerre. À la fin du conflit, une autre action est émise et vendue à la BOA. En 1918, près de 50 patients par semaine sont traités au sein des locaux de l’école et le peu d’étudiants est principalement composé de personnes ayant bénéficié de l’ostéopathie.

    En 1921, Littlejohn met au point un programme de quatre ans qui n’inclut ni la pharmacologie, ni la chirurgie : les deux premières années sont vouées aux sciences de base et les deux dernières à l’étude de l’ostéopathie – les étudiants en possession d’un diplôme en médecine sont admis en troisième année. L’école ne débute pas les cours avant 1922 lorsque quelques membres de la BOA se prêtent à l’activité d’enseignement à temps partiel.

    Les deux premiers diplômes sont délivrés en 1925, respectivement à Elsie Winter Waring et au capitaine Gerald Lowry, qui perd la vue lors de la guerre (Collins 2005; O’Brien 2013). Chacun d’entre eux est admis à la BOA présidée par Littlejohn en 1925-26.

    Aux alentours de 1925, la BOA travaille dans l’unité d’objectifs avec la BSO (l’école fondée par Littlejohn) en accueillant parmi ses membres les diplômés de la BSO. Ensuite, elles sont divisées par des divergences insurmontables quant à la gestion de l’organisme, que la BOA souhaite aligner avec les directives de l’AOA américaine, réglementé par une loi pour la pratique de l’ostéopathie et affilié à un organisme de gestion indépendant (Collins 2005; GCRO ca. 1962). À la fin de 1926, Littlejohn quitte la BOA qui n’accrédite plus la BSO dont les diplômés sont dès lors accueillis par l’Association of British Osteopaths fondée en 1926. Cette association dure peu de temps et fusionne en 1929 avec l’IAO.

  • Manchester School of Bloodless Surgery ( depuis 1923 Looker College of Osteopathy and Chiropractic) (1921-1926)Fondée en 1921 par William Looker, né britannique et ayant déménagé pour étudier et exercer aux USA. En 1909, il s’inscrit à l’American College of Mechano-therapy de Philadelphia et fréquente d’autres instituts de naturopathic, chiropraxie, médecine et ostéopathie (auprès de l’International College of Osteopathy de Elgin, organisé par Charles Murray mais non reconnu par l’AOA). Enfin, il retourne en Angleterre en 1919.Looker affirme suivre les enseignements de A.T. Still et D.D. Palmer et se montre contraire à l’administration de médicaments. Selon certains, il suffit de six mois d’étude pour obtenir le diplôme de chiropraxie alors que les cours durent officiellement trois ans. Au début, l’école adopte Manchester comme siège mais se transfère à Londres en 1925. La disparition prématurée de William Looker signe la fermeture de l’établissement.

    Suite à la mort de Looker, une douzaine d’étudiants de l’école demande à acquérir le diplôme auprès de la BSO et sont acceptés par Littlejohn, qui les surnomme les « apôtres ». Il leur accorde trois ans pour les études déjà effectuées et impose une année supplémentaire d’études ainsi qu’un examen final.

  • Osteopathic Defense League (1924)L’Ostéopathic Defense League est fondée en 1924 avec Wilfrid Streeter en tant que secrétaire honoraire dans le but de recueillir des sympathisants de l’ostéopathie parmi les personnes influentes qui pourraient ouvrir la voie à une réglementation de la profession (O’Brien 2013:7). En plus de travailler pour une loi qui placerait l’ostéopathie sur un pied d’égalité juridique avec la médecine, la ligue entreprend de diffuser les connaissances de l’ostéopathie au grand public en tant que système de chirurgie sans effusion de sang et de thérapie sans médicament.
  • Incorporated Association of Osteopaths (IAO) (1925)L’Incorporated Association of Osteopaths est fondée en 1925 en tant qu’organisation professionnelle par certains diplômés du Looker College, qui ne sont pas admis à la BOA. Cette association prévoit des réunions périodiques, groupes d’études et conférences. Ses membres peuvent se targuer du titre de « médecin ostéopathe » ou « chirurgien ostéopathe ».À partir de 1929, l’IAO devient officiellement l’association professionnelle où s’amassent les diplômés de la BSO, qui dépasse la précédente Association of British Osteopaths.
  • Nature Cure Association of Great Britain and IrelandInstituée autour de 1929 et officiellement constituée en 1925, la Nature Cure Association recueille les praticiens des thérapies naturelles, qui s’élargissent dans le Royaume-Uni vers le début du XXe siècle. Un des initiateurs se trouve être l’américain Bernarr McFadden, un célèbre culturiste et adepte de l’exercice physique et du jeûne pour une vie saine, qui ouvre un cabinet à Londres pour publier sa revue Physical Culture (imprimée aux USA à partir de 1899). Vers 1909, il se rend personnellement en Grande-Bretagne où il fonde une clinique à Brighton ainsi qu’un institut résidentiel à Chesham, qui sera relevé par Stanley Lief, fondateur du British Naturopathic College, puis renommé British College of Osteopathic Medicine. La Nature Cure Association s’oppose à la loi pour réglementer l’ostéopathie car elle craint l’interdiction du recours aux techniques manipulatrices pour ses membres.
  • British College of Chiropractic (1925) et Western Osteopathic School (1928)En 1925, A. Warde Allen crée le British College of Chiropractic à Londres. L’établissement déménage à Plymouth deux ans plus tard, sous la présidence de Tom Mitchell-Fox, qui a étudié dans l’école de Looker. Cette école propose une combinaison de l’ostéopathie, chiropraxie et naturopathic. Cet institut reste très petit et lors de la première cérémonie de remise des diplômes tenue en 1928, seulement deux candidats l’obtiennent, William Minifie et Lannan Floyd McKeon (Wilson 2012). En 1928, Mitchell-Fox décide de fonder une école différente de l’établissement actuel, qu’il appelle Western Osteopathic School. Les deux établissements ferment en 1929 et quelques étudiants sont admis à la BSO de Littlejohn et de ce fait à l’IAO après la remise des diplômes.

 

Les différents organismes décrits ci-dessus s’investissent dans la diffusion de l’ostéopathie sans suivre un chemin commun. Pendant les années 20, plusieurs ouvrages sont publiés comme en 1927 L.C. Floyd McKeon, ayant étudié au British College of Chiropractic, publie « Osteopathy and Chiropractic explained« , et Harvey Foote imprime « The Science of Osteopathy« . L’année d’après le capitaine Gerald Lowry, le deuxième diplômé de la BSO, rédige « A Place Among Men » et en 1929 sort « The New Healing » signé par Wildrid A. Streeter. À partir de 1929, Littlejohn publie le Journal of Osteopathy (avec le même titre de celui de l’ASO Kirksville) qui continue à sortir jusqu’aux années de la guerre (Collins 2005).

Les diplômés qui suivent les cours de façon relativement régulière offerts par les écoles ci-nommées et qui s’inscrivent ensuite à l’une des associations professionnelles représentent une minorité par rapport aux soi-disant nombreux ostéopathes sans qualification qui répondent à la demande du public en administrant des thérapie à la validité douteuse.

Les chemins de la BOA et de la BSO sont désormais séparés. La première demeure axée sur les directives américaines et ne parvient pas à compter plus de 80 membres, qui exercent notamment à Londres et qui ont des liens étroits avec les classes aisées. Viceversa l’association IAO, qui accueille aussi les diplômés de la BSO, accueille ostéopathes, naturopathes et chiropraxie travaillant dans les régions septentrionales et occidentales.

En 1927, la BOA ouvre une clinique à Londres, inaugurée par George Bernard Shaw afin de mettre l’ostéopathie au service de la communauté. Les patients paient ce qu’ils peuvent en fonction de leurs conditions économiques et il est possible de réaliser des dons.

La BOA s’engage constamment afin d’obtenir une reconnaissance légale pour l’ostéopathie. En 1926, le Ministre britannique de la santé précise l’impossibilité de réglementer une profession pour laquelle il n’existe aucune formation sur le sol national. D’autres tentatives ont lieu entre 1931 et 1933, sans succès. En 1934, elle parvient à obtenir de la Chambre des Lords, la nomination d’un comité spécial en charge d’examiner la question.

Un des soutiens les plus actifs en faveur de la reconnaissance de l’ostéopathie au Royaume-Uni demeure Wilfrid Streeter, qui appartient à la BOA (l’association des médecins ostéopathes liée à l’AOA américaine) et fonde une association composée de sympathisants de l’ostéopathie, l’ODL (Osteopathic Defence League). La présentation réitérée d’une proposition de loi pour définir la profession de l’ostéopathe aboutit dans la nomination d’un comité spécial (Select Committee) qui se réunit en mars 1935. Le principal objectif du projet de loi est de protéger le public, qui ne dispose des instruments pour distinguer les praticiens qualifiés de ceux sans formation.

Deux factions prennent part au débat, parmi les représentants favorables ou non au projet de loi. Parmi les opposants, on retrouve l’ordre des médecins (British Medical Association), le Collège royal des médecins (Royal College of Physicians), les Collèges royaux des des chirurgiens de Londres, Edimbourg et Glasgow (Royal Colleges of Surgeons of London, Edinburgh and Glasgow) et plusieurs universités. Les représentants des médecins se présentent au rendez-vous unis, organisés et bien préparés, en ayant pris contact avec l’AMA (association des médecins américains) qui compte à son actif plusieurs années de batailles analogues aux USA.

Les défenseurs du projet de loi sont l‘ODL, représentée par Wilfred Streeter, la BOA qui a pour représentant Kelman MacDonald, l’IAO (l’association qui regroupe les ostéopathes non diplômés de médecine) représentée par Harvey Foote et la BSO représentée par J.M. Littlejohn. Ces quatre groupes forment une équipe fragmentée à laquelle la BSO s’unit au dernier moment.

Le débat démarre au cours duquel les ostéopathes doivent répondre aux questions des avocats engagées par les médecins : en premier lieu, Wilfrid Streeter est appelé. Il explique qu’aux USA les ostéopathes sont déjà plus de 8000 alors que le Royaume-Uni ne compte que 179 praticiens qualifiés mais près de 2000 soi-disant ostéopathes. En outre, il décrit le cours sur 4 ans de la BSO, qui a délivré jusqu’alors 98 diplômes et comporte en ce moment-même 45 étudiants. Il précise que la clinique attenante à l’école a soigné 1800 patients au cours de 1934 (GCRO: 13-14; O’Brien 2013: 35-39; Osteopaths Bill, March 1935: 488-491).

On entend ensuite Kelman MacDonald, qui a étudié à Kirksville et décrit comment aux USA l’ostéopathie a évolué jusqu’au devenir une discipline médicale. MacDonald représente la BOA, l’association qui en 1926 s’est détachée de la BSO après désaccords avec Littlejohn. L’avocat des médecins utilise les informations en sa possession concernant cette diatribe pour obtenir de MacDonald des déclarations en défaveur de la BSO, réputée selon lui nettement inférieure aux écoles américaines.

En somme, les déclarations rendues par Streeter et MacDonald, hommes du monde au tempérament extraverti, semblent faire bonne impression aux membres du comité spécial et les avoir convaincus de la solidité de la théorie ostéopathique et de son utilité dans la thérapie de pathologies diverses.

Le 22 mars c’est au tour de J.M. Littlejohn d’être interrogé. Le professeur typiquement timide, introverti et sans le moindre don d’éloquence. Il s’attend sûrement à défendre ou expliquer les aspects scientifiques de l’ostéopathie mais est sujet à une attaque personnelle qui remet en doute ses titres académiques. On critique lourdement sa gestion de l’école allant même jusqu’à insinuer qu’il a vendu des diplômes pour s’enrichir. Rien n’est moins vrai: Litteljohn a dédié sa vie au développement de l’ostéopathie mais possède une personnalité complexe, autoritaire mais également gentille et réservée. Ce qu’on pense de lui l’indiffère. Pour cette raison, il donne une si piètre impression que Harvey Foote, représentant de l’IAO, décide de ne pas se présenter pour défendre l’ostéopathie et n’est donc pas interrogé par le comité.

Quelques mois plus tard, le rapport du comité spécial est rendu stipulant que l’unique institut en mesure de former les ostéopathes présent sur le sol britannique revêt une importance négligeable, inapte à cet effet et surtout entre des mains malhonnêtes (GCRO: 15-21; O’Brien 2013: 39-40).

Cela ne correspond pas à la vérité puisque le jugement sur la BSO, dirigée de manière désintéressée par un seul homme et présente depuis 17 ans, est rendu en la comparant aux écoles de médecine orthodoxe, qui ont une longue tradition et jouissent de subventions de l’État. De son côté, Littlejohn ne voit pas la nécessité d’entreprendre des actions officielles pour se défendre : convaincu de se trouver sur la bonne voie, il poursuit sa mission. Il n’acceptera jamais d’avoir été accusé d’avoir des « mains malhonnêtes » et expose les raisons dans certains articles du Journal of Osteopathy britannique, la revue de la BSO.

Le Ministère de la santé du Royaume-Uni, qui a examiné le rapport du comité spécial, décrète que les conditions ne sont actuellement pas réunies pour adopter le projet de loi sur l’ostéopathie en suggérant à ceux qui la pratiquent de s’inscrire à l’ordre des médecins ou bien de créer un registre volontaire. Aussi, il leur indique de constituer au plus vite sur le sol britannique des organismes pour la formation adéquate de ceux qui souhaiteraient être admis dans ce registre par le futur (GCRO: 21-24).

À ce moment, il existe trois corps professoraux où convergent les ostéopathes : la BOA, qui accueille les ostéopathes diplômés au sein des six college américains reconnus aux USA; l’IAO, qui prend le nom de Osteopathic Association of Great Britain unissant les diplômés de la BSO; la National Society of Osteopaths Ltd, dont les membres détiennent les titres relâchés par d’autres instituts, certains d’entre eux disparus, ou qui se sont formés par l’apprentissage. Après de longues discussions, le 22 juillet 1936 ces associations créent le General Council and Register of Osteopaths, présidé par le vicomte Elibank jusqu’en 1944, qui a présenté le projet de loi auprès de la Chambre des Lords en faveur de l’ostéopathie.

Une des premières actions du General Council est d’imposer à la BSO certains changements pour améliorer les normes de formation et modifier le statut pour que le stock de l’école soit détenu par trois administrateurs. Après avoir procédé aux changements, l’école est reconnue et les diplômés de la BSO peuvent s’inscrire au Registre.

En Grande-Bretagne, il existe plusieurs écoles et associations déterminantes pour l’évolution de l’ostéopathie  souvent caractérisées par des idées divergentes et conflictuelles. Les évènement, qui suivent, impliquent non seulement les ostéopathes anglais mais aussi certains praticiens américains et français.

De façon très sommaire, les principales lignes de pensée s’articulent selon divers filons, dirigés par les organismes suivants :

  • la BOA, liée à son homologue américaine (AOA) et la London College of Osteopathy (l’institut formateur fondé en 1946) désirent que l’ostéopathie se développe selon les recommandations outre-atlantiques;
  • le GCRO (General Council and Register of Osteopaths), constitué comme registre volontaire auquel les ostéopathes qualifiés peuvent s’inscrire suite à l’échec de reconnaissance par les autorités gouvernementales, cherche à imposer ses propres critères comme la norme.
  • la BSO, école de Littlejohn, s’engage dans la formation des ostéopathes en dehors du monde médical. Les critères de cet institut ne répondent pas à ceux de la BOA, et ses diplômés se dirigent vers l’IAO, qui en 1936 change de nom pour devenir OAGB (Osteopathic Association of Great Britain);
  • la National Society of Osteopaths, une association fondée en 1930, a comme but de rassembler et défendre les ostéopathes, qui ne disposent pas d’une formation américaine reconnue, ni le diplôme de la BSO;
  • le BCN (British College of Naturopathy), l’école fondée par Stanley Lief, qui étudie les thérapies naturelles et le culturisme avec Bernarr Macfadden ainsi que la médecine de la chiropraxie dans un établissement de Chicago, forme les naturopathes possédant des notions en ostéopathie. Il y a des conflits entre le General Council and Register of Osteopaths sur la question de ceux qui ont le droit de se munir du titre de Registered Osteopath. En 1961, l’institut change de nom pour BCNO (British College of Naturopathy and Osteopathy), baptisant l’association d’appartenance inhérente BNO (British Naturopathic and Osteopathic Association);
  • la Maidstone Osteopathic Clinic créée en 1949 par John Wernham, un élève de Littlejohn, qui soutient une procédure de traitement appelée GOT (General OSteopathic Technique);
  • la European School of Osteopathy (précédemment École Française d’ostéopathie ou EFO, l’institut fondé à Paris par Paul Gény en 1951, ayant déménagé à Londres auprès de BCNO en 1965 puis à Maidstone en 1971) qui propose des cours d’ostéopathie sous tutelle de Thomas (Tom) G. Dummer et d’autres ostéopathes anglais. Pour rassembler les diplômés de l’ESO et BCNO en 1971 est fondée la Society of Osteopaths;
  • l’Edimburgh College of Naturopathy, Osteopathy and Chiropractic et l’association relative nommée la United Association of Osteopaths, Chiropractors and Naturopaths : les deux organismes affirment que la méthode de manipulation ne peut être retenue comme un système de guérison complet mais que l’ostéopathie et la chiropraxie doivent être considérées comme étant complémentaires à la naturopathie.

Après le jugement négatif de 1935 exprimé par le Comité spécial nommé par le Chambre des Lords afin d’examiner le projet de loi relatif à l’ostéopathie au Royaume-Uni, certains membres de la BOA (l’association des médecins ostéopathes britanniques, homologue de l’américaine AOA) constituent en 1936 un registre professionnel – le General Council and Register of Osteopaths (Conseil Général et Registre des Ostéopathes), poussée notamment par la nécessité de se différencier des charlatans.

Tous les membres de la BOA sont accueillis dans le bureau de GCRO, bien qu’un grand nombre d’entre eux n’adhère pas. Pour ces derniers, cela ressemble à une copie moins prestigieux de leur association. Les ostéopathes n’appartenant pas à la BOA – comme par exemple les diplômés de la BSO, associés de l’OAGB, les membres de la National Society of Osteopaths et d’autres ostéopathes – peuvent faire une demande d’admission individuelle. En 1939, le GCRO compte 139 membres (dont 45 avec diplôme américain alors que parmi les diplômés britanniques la majorité écrasante appartient à l’OAGB), et 17 associés.

En ce qui concerne l’école de Littlejohn (BSO), l’institut survit aux dures années qui succèdent au rapport négatif du Comité spécial de la Chambre des Lords, puis aux années de guerre grâce au personnage volcanique de T. Edward Hall – perçu par ses contemporains comme le meilleur ostéopathe technique au monde – et à Shilton Webster-Jones – dit aussi Webber, plus réfléchi. À la mort de Littlejohn en 1947, Webster-Jones prend la direction de l’école et réorganise les cours avec une approche plus biophysique. Les personnalités de Hall et Webster-Jones sont diamétralement opposées et le conflit entre eux touche à son paroxysme en 1964 avec la démission de Hall de ses fonctions d’enseignant.

Un des élèves les plus célèbres au sein de la BSO, John Wernham apporte sa contribution à l’ostéopathie en vouant sa vie à l’approfondissement et développement de la discipline. À la BSO, il se lie d’amitié avec T. Edward Hall, et suite à la mort de Littlejohn, il déménage dans le Kent où il fonde en 1949 la Maidstone Osteopathic Clinic. À la demande de Hall, John Wernham devient l’un des membres fondateurs de l’Institute of Applied Technique – aujourd’hui connu sous le nom de Institute of Classical Osteopathy – en 1954. L’une des raisons justifiant la naissance de cet organisme se trouve dans la volonté de conserver les racines philosophiques et pratiques de l’ostéopathie. De plus, John Wernham participe à l’enseignement au sein de l’EFO de Paul Gény, qui est ensuite contrainte de se déplacer en Angleterre pour des raisons légales, et contribue à la European School of Osteopathy de Tom Dummer, transformée ensuite en un institut à temps plein grâce à l’afflux important d’élèves.

Et le GCRO, dont le siège se situe pendant un temps dans les sous-sols du bâtiment de la BSO, se compose finalement de diplômés de la BSO et membres d’OAGB. Pour réaliser son objectif de protection du public, le GCRO cherche à éviter que les membres d’autres associations se munissent du titre de Registered Osteopath. À cette fin, au début des années 50, il intente une action en justice contre un naturopathe, W.H. Dodd, qui persiste à utiliser le titre de Registered Naturopath and Osteopath bien que son admission au sein du GRCO lui ait été refusée. L’action dure environ dix ans, à la fin de quoi le GCRO obtient une victoire inutile : la partie adverse renonce à se présenter car l’ostéopathe incriminé est décédé, et en 1961 le BCN change de nom pour BCNO (Britisth College of Naturopathy and Osteopathy), modifiant par la même occasion la raison sociale de l’association inhérente, qui devient la BNOA (British Naturopathic and Osteopathic Association), pouvant ainsi garantir aux diplômés de pouvoir se munir du tire de Registered Naturopath and Osteopath. Même si certains d’entre eux utilisent délibérément le titre de Registered Osteopath, qui a été l’objet d’une confrontation sanglante au tribunal, aucun des deux prétendants ne peut se permettre d’autres actions en justice.

Dans les années 60, la BSO affronte de multiples difficultés liées au faible nombre d’étudiants (total inscrits en 1965: 40; en 1966: 29; en 1967-68: 34). Elle modifie le plan d’études de 3 à 4 ans en 1970 et renouvelle la gestion en élisant Colin Dove comme président en 1968. Elle s’emploie à augmenter et réorganiser les espaces en apportant des traitements à près de 500 patients par semaine en 1961 et environ 550 en 1968.

Les cours à temps plein du BCNO démarrent en 1964 avec un horaire organisé allant de lundi à jeudi. Quand l’EFO de Paul Gény n’a plus la possibilité de poursuivre son enseignement en France, ses séminaires sont organisés du vendredi au dimanche auprès du siège du BCNO, sous la direction de Tom Dummer, qui s’est diplômé comme naturopathe en 1953 au BCN. La cohabitation des deux écoles se déroule de 1965 à 1971 mais les deux organismes maintiennent des programmes d’études bien distincts. Les cours de l’EFO sont très demandés, d’autant plus qu’en 1968 il est nécessaire de passer par une liste d’attente pour s’inscrire; pour des raisons d’espace, certains séminaires sont organisés auprès de l’institut de John Wernham à Maidstone.

En raison du grand succès rencontré par le cours « français » et des difficultés liées à la cohabitation avec le BCNO, l’EFO se transfère à Maidstone en 1971, dans une propriété de John Wernham, prenant le nom d’EEO (École Européenne d’Ostéopathie). Pour rassembler les diplômés du BCNO et de l’EEO, la SO (Society of Osteopaths) est fondée, une entité apolitique engagée dans la diffusion des principes et pratique ostéopathique, l’encouragement des relations non compétitives et le respect envers les instituts rivaux.

Le détachement de l’EFO (aujourd’hui EEO) du BCNO, la structure qui l’a hébergé à Londres, n’est pas sans conséquence. Pour une série de circonstances, un quart du corps enseignant et un tiers des étudiants du BCNO affluent en 1974 vers Maidstone, où Dummer ouvre une nouvelle école l’ESO (European School of Osteopathy), qui propose une formation de 4 ans à temps plein. Dummer est le partisan de la technique d’ajustement spécifique ou SAT (Specific Adjustment Technique) qui s’oppose au traitement général ou GOT (General Osteopathic Treatment), mis au point par John Wernam et qui donne vie aux vifs débats entre les deux éminents ostéopathes.

Au cours des années 70, l’ostéopathie anglaise demeure très fragmentée. Au début, le GRCO, bien qu’ayant le mérite d’améliorer le professionnalisme des ostéopathes, n’oeuvre pas comme une entité faisant front commun, et aiguisent au contraire les distinctions. Le nombre de membres croît entre 1971 et 1979 passant de 279 à 354.

Au cours de la même période, l’ostéopathie crânienne débarque au Royaume-Uni par deux voies distinctes. Le président de la BSO, Colin Dove, se rend aux USA pour visiter la SCTF (Sutherland Cranial Teaching Foundation). Il veille à ce que les membres du GCRO britannique soient jugés aptes à suivre les cours, auxquels, grâce au président de la SCTF, Rollin Becker, sont également admis les associés de la SO (Society of Osteopaths). D’autre part, le BCNO s’accorde avec John Upledger, également membre de la SCTF, pour qu’il tienne des cours de thérapie crânienne dans son école.

 

Au fil du temps, la diffusion des thérapies alternatives et complémentaires au Royaume-Uni continue à grandir, notamment pendant les années 70 et 80. On assiste à une prolifération des associations volontaires qui regroupent les praticiens. Dans le secteur ostéopathique, par exemple, sont fondées l’Osteopathic and Naturopathic Guild en 1967, la Guild of Osteopaths London en 1971, la British and European Osteopathic Association en 1976, la Faculty of Osteopathy en 1978, et l’Association of Osteopathic Practitioners en 1984. Toutefois, le GCRO continue à représenter le nombre d’ostéopathes plus élevé, qui atteint en 1988 1140 praticiens actifs contre un total de 864 praticiens dans les autres associations (Stojan 2006).

Les autorités gouvernementales n’ont pas l’intention de limiter le droit de chaque individu, qu’elles entendent laisser libre de décider quant à la manière de prendre soin d’eux-mêmes, mais elles veulent introduire une forme de protection pour la sécurité du citoyen comme un registre et un code de déontologie. Initialement, on pense à former une organisation « faîtière » qui regrouperait toutes les thérapies non conventionnelles, mais l’hypothèse s’avère impraticable et au bout du compte chaque groupe agit individuellement.

Les ostéopathes ont cherché déjà plsueirus fois à obtenir une réglementation. Et en 1985, le ministre de la santé énonce 5 critères nécessaires pour qu’une profession peut être reconnue : être « mature »; avoir une unique organisation qui la réglemente; avoir un corps systématique de connaissances, avoir des cours de formation reconnus; être en mesure de prouver son efficacité. À ces critères s’ajoutent un sixième en 1987 : toute initiative entreprise pour la réglementation doit avoir pour objectif primaire celui de garantir la sécurité du public.

En 1922, on présente un projet de loi pour constituer le GOsC (General Osteopathic Council), l’organisme qui sera chargé de la réglementation de l’ostéopathie et de l’institution d’un unique registre professionnel. L’approbation a lieu le 1er juillet 1993 et s’ensuit une période de transition pendant laquelle les différentes associations composent avec leurs différends. La réglementation a d’énormes coûts pour les ostéopathes qui doivent chacun verser 1350 livres sterling pour entrer dans le registre. À partir de l’entrée en vigueur de l’Osteopaths Act en 2000, quiconque se proclame ostéopathe sans appartenir au registre est passible de sanctions pour avoir commis un crime Walker et Budd 2002).

L’ostéopathie est donc une branche de la médecine alternative officiellement reconnue au Royaume-Uni. Ce qui permet aux praticiens d’orienter leurs patients vers des ostéopathes. Au début, les écoles britanniques octroient le diplôme d’ostéopathe D.O. à ceux qui achèvent leur formation. Mais ceci prête à confusion. Cet acronyme est identique à celui qui caractérise les médecins ostéopathes américains appartenant à la catégorie des médecins généralistes et habilités à pratiquer la médecine de façon illimitée. Après 2005, les médecins ostéopathes américains obtiennent la reconnaissance au Royaume-Uni, acquérant le droit d’exercice en tant que médecins généralistes à la condition de passer un test linguistique et une année de pratique supervisée au sein du NHS (Service Britannique Sanitaire). Les écoles d’ostéopathe britanniques proposent ainsi des titres différents de celui de D.O., conférés au terme d’u parcours universitaire, de type quadriennal en formation ostéopathique (BSc [Hons] Osteopathy, BOst [Hons]) et de type magistral en ostéopathie (Most), différents de la formation en médecine. 

De manière générale, les écoles de formation ostéopathique au Royaume-Uni apportent dans les deux premières années d’études les principes philosophiques et pratiques de l’ostéopathie ainsi que les fondements des sciences de base (anatomie, physiologie, pathologie, nutrition et mécanique vertébrale), et dans certains cas la pharmacologie. Alors que les deux dernières années sont consacrées à la pratique clinique. Habituellement, les établissements délivrent également des bases en psychologie, obstétrique, pédiatrie et rhumatologie. Ils demandent aussi la présentation d’un projet de recherche afin d’obtenir le diplôme.

En temps normal, les ostéopathes au Royaume-Uni se focalisent essentiellement sur les procédures correctrices de type musculosquelettique puisqu’ils sont exclus de la pratique de la médecine officielle. Mais le London College of Osteopathic Medicine, fondé en 1946 et reconnu par GOsC, y fait exception. Seuls les diplômés de médecine classique peuvent accéder à la formation post-diplôme en ostéopathie d’une durée de 13 mois. Ils sont ensuite accueillis dans l’Association of Medical Osteopaths (association des médecins ostéopathes).

Au Royaume-Uni, l’ostéopathie représente une direction « alternative » de la médecine orthodoxe. Le simple fait que le programme d’études à la European School of Osteopathy et à la University College of Osteopathy (précédemment nommée British School of Osteopathy) intègre des cours de naturopathie, phytothérapie et yoga en est la preuve. 

Les ostéopathes britanniques pratiquent presque uniquement en cabinet privé, seul ou en groupe. Dans plusieurs cas, ils exercent dans des centres offrant thérapies interdisciplinaires. Et il est rare qu’un cabinet médical les accueille pour proposer des services alternatifs tels que l’ostéopathie ou encore l’acupuncture. 

L’ostéopathie au Royaume-Uni s’étend continuellement : en 1983, on recense entre 1000 et 1200 ostéopathes et 3823 en 2007. Ce chiffre inclut aussi bien les ostéopathes exclusifs que les ostéopathes médecins enregistrés, répartis par genre : 2039 hommes et 1784 femmes.

Selon les données du GOsC, au 1er janvier 2020 on dénombre 5456 ostéopathes actifs au Roayume-Uni, dont la majorité se trouve surtout en Angleterre. Le registre s’occupe de surcroît d’établir et maintenir les critères pour la pratique et la déontologie professionnelle, la qualité de la formation et la gestion des recours des patients. Les instituts de formation reconnus sont listés sur le site de GOsC, qui publie chaque année un rapport consultable en ligne sur ses activités (Bloomfield 2009; Collins 2005; GCRO; O’Brien 2013).

  • Bishop M. Should doctors be the judges of medical orthodoxy? The Barker case of 1920. J R Soc Med. 2002 Jan;95(1):41-5.
  • Bloomfield M. The Tree of Life: A History of the European School of Osteopathy. IndePenPress, Brighton, UK 2009.
  • Boston Institute of Osteopathy – (Achorn CE, Ellis SA, Achorn AA). Osteopathy explained. Boston, ca. 1900.
  • Bryce, A. (1910). Remarks on mechano-therapy in disease: With special reference to osteopathy. British Medical Journal, 2(2592), 581.
  • Collins M. Osteopathy in Britain: The First hundred Years. BookSurge, 2005.
  • Collins M. The British School of Osteopathy – the First 100 Years. Xlibrispublishing, UK 2016.
  • Flexner, A. (1910). Medical education in the United States and Canada. Science, 32(810), 41-50.
  • GCRO (General Council and Register of Osteopaths Limited) The Osteopathic Blue Book – The Origin and Development of Osteopathy in Great Britain. Londra, ca. 1962.
  • Grigg, E. R. (1967). Peripatetic Pioneer: William Smith, MD, DO (1862-1912). Journal of the History of Medicine and Allied Sciences, 169-179.Journal of Osteopathy « The True Fountain Head of Osteopathy » Journal of Osteopathy, v.5, n.5, October 1898.
  • Hunter S. The Osteopathic Physician, v.15, n.5, May 1909.
  • JAOA v.7, n.2, October 1907
  • Journal of Osteopathy, v.5, n.12, May 1899
  • Hunter SM. « Osteopthy in Great Britain ». The Osteopathic Physician, v.15, n.5, May 1909:2-3.
  • Littlejohn JM. Osteopathy: A New View of the Science of Therapeutics. In: Duffle WM., Riley HL., Riley BF., Allen BW (a cura di) The Pioneer Osteopath, senza data.
  • O’Brien J. Bonesetters: A History of British Osteopathy. Anshan 2013.
  • O’Brien J. John Martin Littlejohn: An Enigma of osteopathy. Anshan 2016.
  • OSTEOPATHS BILL: SELECT COMMITTEE: FIRST SITTING. Br Med J. 1935 Mar 9;1(3870):488-91.
  • Stojan, J. (2006). Signalling and the quest for regulation in British complementary medicine. In conference: Frontiers of Regulation. Assessing Scholarly Debate and Policy Changes. Organised by the European Consortium for Political Research, Standing Group on Regulatory Governance, and the Centre for the Study of Regulated Industries, School of Management, University of Bath. Bath (September 2006).
  • Walker, L. A., & Budd, S. (2002). UK: the current state of regulation of complementary and alternative medicine. Complementary therapies in medicine, 10(1), 8-13.
  • Wilson FJH. The Origins and Professional Development of Chiropractic in Britain. University of Southampton, thesis, 2012.
  • Youtube a: https://www.youtube.com/watch?v=aVYQmJMqxbs&ab_channel=WellcomeLibrary
  • Youtube b: https://www.youtube.com/watch?v=4Ok410KqD9Q&ab_channel=WellcomeLibrary

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En France, comme dans le reste de l’Europe, l’ostéopathie ne connaît pas le même développement explosif que celui aux USA. Les premiers pas pour la discipline ostéopathique en France se font au travers de la médecine orthodoxe, bien qu’elle soit pratiquée par plusieurs catégories de praticiens jusqu’aux années 50 tels que les rebouteux, masseurs, chiropraticiens, physiothérapeutes et kinésithérapeutes. L’association à d’autres médecines alternatives a été une solution astucieuse pour la survie de l’ostéopathie.

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Francesca Galiano

editor

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