Maiwen Habchi
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19/01/2024 - Dernière mise à jour 22/02/2024
Imran Khan Niazi, Muhammad Samran Navid, Christopher Merkle, Imran Amjad, Nitika Kumari, Robert J. Trager, Kelly Holt, Heidi Haavik | Année 2024
Un essai contrôlé randomisé pour comparer les différents sites d’application des thrusts HBVA sur les paramètres d’intégration sensorimotrice
Portée:
Intégration sensorimotrice
Type d'étude:
Essai contrôlé randomisé
Date de publication de la recherche:
12-01-2024
But de l'étude
- Objectif : évaluer les effets d’un thrust HBVA lorsqu’il est appliqué à un segment vertébral dysfonctionnel par rapport à une vertèbre complètement fonctionnelle.
- Critères d’évaluation mesurés :
- Principal : évaluation de l’amplitude de la composante N30 des PES (potentiels évoqués somesthésiques), marqueur typique du traitement somatosensoriel au niveau cortical, surtout préfrontal.
Intervenants
- Nombre : 86 personnes (49 femmes et 37 hommes)
- Critères d’inclusion : âge 18-50 ans ; antécédent de douleur récurrente et persistante au cou sans avoir cherché de traitement ; absence de douleur au moment de l’étude
- Critères d’exclusion : absence de dysfonctionnement vertébral pendant l’examen chiropractique ; présence de dispositifs métalliques implantés dans le crâne ; antécédent de douleur sévère au cou (douleur majeure de 6 sur 10) ; présence de pathologies vertébrales graves (ex : tumeur, fracture, infection, hématome, dissection artérielle cervicale) ; avoir bénéficié du thrust pour autre chose que la douleur au cou au cours des 7 jours précédant l’étude
- Groupes d’étude : 2 groupes obtenus par randomisation
- Groupe 1 : thrust sur vertèbres dysfonctionnelles, 43 personnes (23 femmes et 20 hommes, âge moyen de 24,41 ans)
- Groupe 2 : thrust sur vertèbres saines, 43 personnes (26 femmes et 17 hommes, âge moyen de 24,83 ans)
Interventions et évaluations
- Évaluation de la région vertébrale cervicale à la recherche de vertèbres dysfonctionnelles ou subluxées.
- Évaluation de l’amplitude de la composant N30 des PES et dès la fin de l’intervention
- Les PES sont évoqués en stimulant le nerf médian de la main dominante à l’aide d’un simulateur électrique
- 1 séance de traitement (le thrust est appliqué une seule fois sur chaque personne)
- Thrust sur les vertèbres cervicales dysfonctionnelles :
- technique HBVA sur segment vertébral cervicale dysfonctionnel (restriction du mouvement, douleur provoquée par le mouvement ou la palpation, musculature hypertonique ou altération articulaire) ;
- dans le cas où on a plusieurs vertèbres dysfonctionnelles, il faut choisir la vertèbre supérieure ou crânienne ;
- application du thrust par instrument portatif afin d’uniformiser les paramètres d’application de la manoeuvre
- Thrust sur les vertèbres cervicales saines :
- technique HBVA sur segment vertébral sans dysfonctionnement ;
- la vertèbre saine est choisie comme étant la plus éloignée des vertèbres dysfonctionnelles ;
- application du thrust à l’aide d’un instrument portatif afin d’uniformiser les paramètres d’application de la manoeuvre
- L’évaluation et les thrusts sont réalisés par un praticien ayant plus de dix ans d’expérience.
Résultats
- Critères d’évaluation principaux : l’application du thrust aux vertèbres dysfonctionnelles génère une baisse statistiquement significative de l’amplitude N30 avant la manoeuvre, tandis que l’application du thrust sur une vertèbre saine démontre une hausse de l’amplitude N30 qui n’est pas significative.
- Analyses supplémentaires : au sein du groupe où les vertèbres dysfonctionnelles sont traitées, on exécute 25 thrusts aux vertèbres C1, 14 à C2 et 4 à C3. Dans le groupe où on traite les vertèbres saines, on réalise 17 thrusts à C3, 16 à C2, 8 à C1, 1 à C5 et 1 à C6, et la distance maximale entre les vertèbres saines et les vertèbres dysfonctionnelles est de deux vertèbres.
Commentaires
Un thrust appliqué à un segment vertébral cervical dysfonctionnel est en capacité à diminuer l’amplitude de la composante N30 des PES, contrairement au thrust appliqué à un segment sain. Le résultat est intéressant car la diminution de N30 suggère des changements de l’activité sensorimotrice au niveau du cortex préfrontal.
Cette étude est en adéquation avec les études sur les animaux, où il est montré que les thrusts maximisent les entrées afférentes proprioceptives et les réponses du fuseau neuro musculaire. Ainsi pour favoriser la restauration d’une fonction sensorimotrice particulière, il devient essentiel de déterminer avec précaution les segments vertébraux cervicaux en vue d’appliquer le thrust au segment effectivement dysfonctionnel.
Bien que de précédentes études, dont une revue systématique, n’aient pas montré une différence entre thrust appliqué aux segments dysfonctionnels et thrust appliqué aux segments sains de manière à mesure l’issue clinique (ex : douleur, seuil de douleur ou force de prise), il faut remarquer la façon dont ces études ne définissent pas clairement le concept de « segment dysfonctionnel » et, de ce fait, chaque groupe aurait pu se voir appliqué le thrust sur des zones dites dysfonctionnelles. De plus, dans certaines études les thrusts sont réalisés selon une décision a priori des chercheurs et non suite à un examen clinique. Une autre limite que nous pouvons mentionner se trouve dans les paramètres mesurés : l’intensité de la douleur ou le handicap ressenti sont des sujets et peuvent être influencés par les attentes des patients. Sans compter qu’ils peuvent demander davantage de séances de thérapie et pas uniquement un thrust. Afin d’évaluer si les thrusts induisent des changements effectifs et immédiats, il faut des mesures plus objectives telles que les techniques d’imagerie. Néanmoins, les radiographies ne sont pas adaptées car elles sont émettrices de radiations ionisantes alors que certains IRM sont particulièrement onéreux.
Ces résultats négatifs sur la douleur suite à l’application de thrusts demeurent présents et empêchent de délivrer de bonnes indications sur l’application des thrusts en cas de douleur.
Comme la compostante N30 des PES provient de l’élaboration sensorimotrice au niveau préfrontal, mais aussi de l’activité des autres régions, dont le cortex sensoriel primaire, les ganglions de base, le thalamus, les zones promotrices et le cortex moteur primaire, les thrusts sur les vertèbres dysfonctionnelles pourraient entraîner l’activation de circuits sensoriels propriocepteurs paravertébraux. En réalité, les fibres musculaires des muscles paravertébraux profonds peuvent s’atrophier en cas de dysfonctionnement, subir une infiltration graisseuse et des processus fibrotiques ainsi que des changements du fuseau neuromusculaire, modifiant négativement le traitement et l’organisation du cortex sensorimoteur primaire. Tel changement favoriserait l’apparition et la chronification de la douleur car désormais on sait que, dans le cas de douleur, il y a souvent une réorganisation complexe des cartes (homoncules) sensorimotrices du cerveau. En modifiant l’activité de ces cortex, les thrusts ont l’air d’être en capacité à « redonner vie » à ces circuits. Donc il faut d’autres études pour pleinement déterminer la pertinence clinique des résultats de cette étude.
Cette étude est naturellement limité par l’application du thrust à une seule personne, ce qui n’est pas le reflet réel d’une stratégie de traitement clinique. Par ailleurs, la mesure de l’amplitude de N30 a lieu après le thrust : sans follw-up, il n’est donc pas possible de savoir quelle évolution poursuit cet effet. Au vu des différences neuromusculaires anatomiques et fonctionnelles, les résultats de cette étude ne sont pas généralisables à d’autres segments vertébraux. De même, l’utilisation d’un instrument pour appliquer les thrusts ne permet pas d’étendre les résultats à d’autres méthodes d’application, même si la baisse de l’amplitude N30 survenue dans cette étude est comparable à celle relevée au sein des études où les thrusts sont appliqués manuellement. On peut également relever comme autre limite le fait que les critères d’évaluation cliniques n’ont pas été relevés (ex : baisse de la douleur ou amélioration de l’amplitude de mouvement) ; on ne comprend pas bien si la modification de l’amplitude N30 a eu de réelles conséquences. L’étude est réalisée par de jeunes adultes : il faudrait donc comprendre si de possibles changements dégénératifs liés à l’âge peuvent interférer avec la mécanoréception induite par les thrusts. Les résultats ne sont pas généralisables à des populations atteintes de pathologies particulières telles que radiculopathie cervicale ou hernie discale. Enfin, le praticien sait s’il applique le thrust sur une vertèbre dysfonctionnelle ou saine, ce qui peut entraîner un biais dans le résultat.
La critique Osteopedia
Par Marco Chiera
Forces : calcul de la taille d’échantillon (nombre de personnes à recruter) sur la base d’une étude pilote (même si elle n’est pas publiée) ; bonne description de la configuration et des interventions ; excellente discussion et surtout très bonne présentation des limites de l’étude (un très bon exemple d’auto-critique de la part des auteurs, qui devrait servir justement de modèle).
Limites : limites déjà énoncées par les auteurs dans la discussion.
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