Maiwen Habchi
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19/01/2024 - Dernière mise à jour 21/02/2024
John M. Popovich, Jacek Cholewicki, N. Peter Reeves, Lisa A. DeStefano, Jacob J. Rowan, Timothy J. Francisco, Lawrence L. Prokop, Mathew A. Zatkin, Angela S. Lee, Alla Sikorskii, Pramod K. Pathak, Jongeun Choi, Clark J. Radcliffe, Ahmed Ramadan | Année 2024
Les effets du traitement manipulateur ostéopathique sur la douleur et le handicap chez les patients atteints de lombalgie chronique : un essai contrôlé randomisé en simple aveugle
Pathologie:
Lombalgie (mal de dos)
Type d'étude:
Essai contrôlé randomisé en simple aveugle et en cross-over
Date de publication de la recherche:
11-01-2024
But de l'étude
- Objectif : évaluer l’efficacité de l’OMT pour réduire la douleur et le handicap en cas de lombalgie chronique aspécifique.
- Critères d’évaluation mesurés :
- Principal : évaluation de la douleur par NRS (Numeric Rating Scale) et du handicap par ODI (Oswestry Disability Index) et PROMIS (Patient-Reporter Outcomes Measurement Information System) 29 v1.0
- Secondaires : évaluation de la satisfaction sociale, troubles du sommeil, fatigue, symptômes de dépression et d’angoisse par PROMIS et de kinésiophobie par FABQ (Fear Avoidance Beliefs Questionnaire) ; évaluation des effets secondaires
Intervenants
- Nombre : 80 personnes (49 femmes et 31 hommes, âge moyen de 44 ans)
- Critères d’inclusion : âge 21-65 ans ; capables de marcher en autonomie ; capacité de parler et lire en anglais, de comprendre les procédures de l’étude et de les suivre pour toute l’étude ; douleur musculo-squelettique (principalement dans la région lombaire, pouvant irradier vers les cuisses) ; douleur d’au moins 3 secondes sur 10 selon NRS ; ODI d’au moins 26%
- Critères d’exclusion : absence de capacité ou de volonté de donner un consentement éclairé ; avoir bénéficié de thérapies ou médecines manuelles, acupuncture ou injections vertébrales pendant le mois précédant le recrutement ; perception de primes d’assurance professionnelle au cours des 3 précédents mois ou des poursuites médicales en cours ; éventuelle grossesse ; indice de masse corporelle supérieur à 32 ; dispositifs électriques (ex : stimulateur cardiaque, dispositifs pour l’administration de médicaments), antécédent médical de chirurgie de la colonne vertébrale, de fractures vertébrales, infections vertébrales ou tumeurs ; symptômes non résolus d’un traumatisme crânien, infections dans l’oreille interne avec des problèmes d’équilibre ou de coordination, hypotension orthostatique, hypertension non contrôlée ou troubles vestibulaires ; diagnostic de déformités vertébrales significatives ( ex : scoliose supérieure à 20°), spondylarthrite ankylosante, spondylolisthésis de grade III ou IV, syndrome de la queue équine, arthrite rhumatoïde, ostéoporose, angine ou symptômes d’insuffisance cardiaque congestive, hémorragie aigüe ou infection du dos, cécité, convulsions, maladies neurologiques ou neurodégénératives ; conditions relevées par le médecin pendant l’étude (signes de déficits neurologiques, symptômes qui ne correspondent aux évaluations mécaniques effectuées, d’autres conditions qui empêchent la mise en oeuvre du protocole).
- Les critères d’exclusion ont été périodiquement contrôlés à nouveau pendant l’étude
- Groupes d’étude : 2 groupes obtenus par randomisation en cross-over des interventions
- Groupe 1 : OMT et puis la liste d’attente, 40 personnes (24 femmes et 16 hommes, âge moyen 44,3 ans)
- 9 personnes abandonnent l’étude
- Groupe 2 : liste d’attente et post OMT, 40 personnes (25 femmes et 15 hommes, âge moyen 43,55 ans)
- 7 personnes abandonnent l’étude
- En moyenne, les participants souffrent de lombalgie de plus de 12 ans avec une douleur de 6 sur 10
- Groupe 1 : OMT et puis la liste d’attente, 40 personnes (24 femmes et 16 hommes, âge moyen 44,3 ans)
Interventions et évaluations
- Évaluation de la douleur actuelle et de la douleur moyenne par NRS avec 0 = « aucune douleur » et 10 = « douleur inimaginable » et du handicap par ODI modifié et des échelles d’interférence de douleur et fonctionnalité physique du PROMIS 29 v1.0.
Résultats
En raison des biais liés au schéma de cross-over de l’essai, on ne compare les données qu’avant le cross-over, autrement dit avec un groupe ayant seulement bénéficié de l’OMT et l’autre groupe se contentant de la liste d’attente.
- Critères d’évaluation principaux : à la fin de chaque séance, le groupe OMT présente une amélioration statistiquement significative de la douleur moyenne perçue pendant la semaine par rapport au groupe liste d’attente.
On retire trois sujets (1 du groupe OMT et 2 du groupe liste d’attente), qui ne présentent pas de lombalgie chronique. Les analyses montrent donc les mêmes résultats, qui sont significatifs des points de vue statistique et clinique. - Critères d’évaluation secondaires : après chaque séance d’OMT et à la fin de chaque séance, le groupe OMT démontre une amélioration statistiquement significative du sommeil et des symptômes d’anxiété en comparaison avec le groupe liste d’attente.
On retire trois sujets (1 du groupe OMT et 2 du groupe liste d’attente) car ils n’ont pas de lombalgie chronique. Les analyses témoignent des mêmes résultats des points de vue clinique et statistique. En fin de traitement, on ne constate cependant pas de différences statistiquement significatives du sommeil, malgré l’apparition d’une différence considérable du point de vue clinique. - Effets secondaires : on compte 122 effets adverses mais aucun de degré 4 ou plus (voire sévère). Parmi ces effets, 31 peuvent être imputés à l’OMT et enclenchent une augmentation légère ou modérée de la douleur, de la fatigue musculaire, de la raideur etc. Tous ces effets disparaissent complètement.
Commentaires
L’OMT se révèle efficace pour diminuer la douleur chez les patients atteints de lombalgie chronique par rapport au groupe témoin liste d’attente. L’amélioration relevée peut être considérée comme significative d’un point de vue clinique car elle démontre un écart type de plus de 0,5 avec le niveau pré-traitement.
D’ailleurs, il est intéressant d’observer l’anxiété diminuer après la première séance alors que la douleur moyenne ressentie pendant la semaine a connu une baisse au bout de 4 séances. La raison peut s’expliquer par le lien qui s’installe entre anxiété/peur et douleur dans des situations chroniques, où les changements de la douleur tendent à être secondaires aux changements des symptômes d’angoisse, de peur et de catastrophisme.
Étant donné ces effets sur la douleur, sur les symptômes d’anxiété et sur le sommeil, l’étude montre comment l’OMT aurait la capacité à agir sur plusieurs chemins mécaniques au niveau musculosquelettique.
Comme l’effet sur la douleur se manifeste seulement après 4 séances, il est possible que différents effets se révèlent avec le temps. Ainsi, dans certains cas tels que la lombalgie chronique plusieurs séances peuvent être nécessaires pour obtenir des effets notables (considération basée sur d’autres études de la littérature qui obtiennent les mêmes résultats).
D’autre part, contrairement aux attentes, l’OMT ne révèle pas d’effet statistiquement significatifs sur l’invalidité mesurée par ODI, ni sur les autres échelles de PROMIS dont le fonctionnement physique. Il aurait probablement fallu plusieurs séances pour témoigner de pareils résultats ou bien l’absence de résultats se justifierait par le fait que l’étude n’ait pas été conçue pour relever de telles différences. Néanmoins, d’autres études reportent comment l’OMT ne diffère pas de l’OMT sham (traitement fictif) pour l’amélioration des scores liés au handicap. En somme, il faut d’autres études qui se concentrent sur cet aspect comme l’OMT est généralement indiquée pour retrouver le fonctionnement physique.
On trouve comme limite de l’étude l’absence de follow-up à long terme. De plus, les participants sont recrutés uniquement parce qu’ils avaient signalé souffrir de lombalgie, et non parce qu’ils cherchaient à soigner leur condition. Et comme cette étude est une étude de validation pour l’évaluation du contrôle postural, on n’inclut pas de groupe de contrôle de traitement actif, ni de groupe traitement sham ou autres contrôles.
La critique Osteopedia
Par Marco Chiera
Forces : l’introduction souligne le besoin de prêter une attention particulière aux interventions spécifiques étudiées (ex : plusieurs revues rassemblent différentes thérapies, telles que les techniques et principes, ce qui n’aboutit pas à une bonne comparaison) ; critères d’inclusion et exclusions précis ; évaluation des effets adverses ; calcul de la taille d’échantillon (combien de personnes recruter) ; évaluation statistique des carryover effects, soit des effets dus au temps pouvant impacter négativement un essai de type cross-over ; évaluation de la significativité clinique des effets.
Limites : l’étude sur l’OMT est une étude totalement différente de l’analyse du contrôle postural et le lien entre les deux n’est pas clair. Les critères d’inclusion et d’exclusion peuvent être trop restreints et reviendraient donc à exclure beaucoup de patients que les ostéopathes peuvent en réalité retrouver dans le quotidien de leurs cabinets. Les participants sont volontaires et reçoivent 100$ pour leur participation, ce qui, dans les deux cas, peut avoir induit un biais dans les résultats.
Il n’y a pas de contrôle actif ou de traitement sham. Il manque également un follow-up à long terme, comme on évalue les effets dose-dépendance de l’OMT, il serait plus judicieux de réaliser des évaluations après chaque séance.
Les praticiens ont suivi différentes formations, il n’ont donc pas nécessairement la même vision l’OMT.
Réflexions : dans l’introduction l’étude dit pourquoi il faut des études plus rigoureuses pour valider l’OMT. On doute cependant de la réalisation de l’objectif de cette étude, à commencer par sa genèse, l’absence de contrôle évaluant l’effet placebo et autres biais.
Comme cette étude n’est pas spécialement conçue pour l’OMT, on peut supposer qu’elle n’a pas été élaborée correctement mais, au lieu de quoi, des résultats assez intéressants ont été trouvés au sein de la première étude sur le contrôle postural puis une étude ad hoc a été conçue. Le doute survient lorsque les participants sont recrutés en 2018 alors que l’étude a été publiée 5 ou 6 ans après.
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