Francesca Galiano
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24/03/2023 - Dernière mise à jour 18/04/2023

Jean Anne Zollars, Margaret Armstrong, Sandra Whisler, Susan Williamson | Année 2018

Manipulation Viscérale et Neurale chez les Enfants atteints de Paralysie Cérébrale et Constipation chronique: 5 Rapports de Cas

Pathologie:

Diastasis des grands droits

Type d'étude:

Séries de cas

Date de publication de la recherche:

06-09-2018

Image

But de l'étude

  • Objectif: évaluer l’amélioration induite par la manipulation viscérale et neurale chez 5 enfants atteints de paralysie cérébrale et de constipation chronique.
  • Critères d’évaluation mesurés: évaluation de la qualité de vie par CPCHILD (Caregiver Priorities and Child Health Index of Life with Disabilities), de la fonctionnalité par WeeFIM (Functional Independence Measure) et de la motilité du colon par radiographie médicale (radiographie) et journaux familiaux.

Intervenants

  • Nombre: 5
  • Description: âge compris entre 2 et 18 ans avec diagnostic d’encéphalopathie statique (paralysie cérébrale) secondaire à une lésion cérébrale pendant la première année de vie, stade IV ou V non ambulatoire selon le GMFCS (Gross Motor Fonction Classification System), et diagnostic de constipation selon les critères Roma II modifiés pour les enfants atteints de paralysie cérébrale.
  • Critères d’exclusion: plâtre au niveau du bassin et du fémur, coagulation anormale, dysplasie sanguine, anévrisme abdominal et intervention importante au cours des six semaines précédant la première visite.
  • Description: 5 enfants (2 filles et 3 garçons)

    Le cas A, garçon âgé de 8 ans, est né à terme et adopté par la Chine. AVC suite à une intervention au coeur pour tétralogie de Fallot à 15 mois, suivie d’une quadriplégie (GMFCS IV) notamment gauche. Difficulté de déglutition et réflexe nauséeux exagéré. Il a fallu placer un tube par gastrotomie pour l’alimentation, tandis que le reflux est traité par inhibiteurs de la pompe à protons et érythromycine. Intervention à la hanche droite à 4 ans et, compte tenu de la possibilité de tomber en l’absence de soutien, utilisation de fauteuil roulant comme support avec supports d’assise. La communication se fait principalement par mimique faciales, avec hypotonie au niveau du tronc et athéthose des membres supérieurs. Douleur intense à la hanche droite qui limite les mouvements, régurgitations et mouvements fréquents, et nécessité de suppositoires de glycérine afin de favoriser le péristaltisme intestinal.

    Le cas B, garçon âgé de 18 ans, présente une quadriplégie spastique GMFCS V avec étiologie incertaine claire. Enfant, il a subi une fundoplicature de Nissen et on lui pose un tube par gastrotomie. Il utilise un fauteuil roulant mais peut s’asseoir tout seul  et même marcher un peu si elle est aidé. Faible tonus musculaire du tronc et des extrémités avec inclinaison pelvienne postérieure et ischio-jambiers très raides. Besoin d’un dispositif pour communiquer car il ne parle pas; toutefois, les parents comprennent quand il est stressé. Il ne dort pas la nuit et très agité, peut-être en raison de la douleur générée par la constipation. C’est pourquoi on l’emmène plusieurs fois à l’hôpital. Malgré les 7 évacuations intestinales par semaine, il a souvent besoin de suppositoires ou d’entéroclyse.

    Le cas C, garçon âgé de 3 ans, a subi une lésion cérébrale due à un traumatisme qui provoque une quadriplégie spastique, contusion occipitale gauche, hématome sous-dural pariétal gauche, hémorragie rétinienne bilatérale, altération visuelle cérébrale, des crises de convulsions intraitables. Il ne fait confiance à personne hormis ses parents. Son corps est « fermé » en positon foetale et il utilise un tube, posé par gastrotomie, pour se nourrir. Il dépend de ses parents pour chacune de ses activités et il est en fauteuil roulant. Il prend plusieurs médicaments dont les inhibiteurs de la pompe à protons, clonidine, baclofène et keppra. Il va à la selle deux fois par semaine.

    Le cas D, fille âgée de 7 ans, a subi une lésion cérébrale issue d’un traumatisme qui génère une paralysie cérébrale, altération visuelle cérébrale et troubles convulsifs (GMFCS IV). Elle est soumise à une craniotomie droite et au placement d’un shunt ventriculo-péritonéal. Un mois après le traitement, elle subit une ostéotomie de dérogation fémorale droite. Alors qu’elle utilise un fauteuil roulant, elle commence à utiliser une béquille pour marcher. Malgré le tube d’alimentation, elle s’alimente par voie orale. Quand elle souffre, elle sait le communiquer clairement. Elle va à la selle 11 fois par semaine.

    Le cas E, fille de 4 ans, est née à 25 semaines de gestations et est triplée avec GMFCS IV. On lui place un shunt ventriculo-péritonéal que l’on doit remettre 10 fois, et un tube par gastrotomie. Elle a une déficience auditive, un implant cochléaire et des troubles convulsifs. Elle réussit à se nourrir par voie orale, à s’asseoir et à ramper. Elle commence à faire quelques pas et sait communiquer verbalement. Hypotonicité centrale et légère hypertonicité aux extrémités (surtout à droite). Elle est constipée – 6 évacuations intestinales par semaine. Elle régurgite souvent, vomit, et a mal au cou et à la tête. Parmi les divers médicaments, elle prend du keppra.

Interventions et évaluations

  • Évaluation en début d’étude, fin des traitements et après 3 mois de la qualité de vie par CPCHILD et de la fonctionnalité par WeeFIM.
  • Évaluation en début d’étude et en fin de traitements de la motilité du colon via radiographie avec marcheurs radio-opaques.
  • Évaluation journalière pendant une semaine au début de l’étude et aux semaines 8,16,24 et 36 de la consistance, couleur, longueur et fréquence de péristaltisme intestinal (on utilise la Bristol Stool Scale modifiée) par journaux familiaux prévus à cet effet.
    • les journaux contiennent des informations sur les interventions pour la constipation (ex: médicaments et traitements), appétit, épisodes de reflux et vomissement, qualité et durée du sommeil, fréquence et durée des convulsions, et douleur mesuré via Wong Baker Faces Pain Scale. 
  • 12 séances de 45 minutes de manipulation viscérale et neurale toutes les deux semaines pendant 6 mois.
  • Manipulation viscérale et neurale:
    • traitement axé sur l’abdomen et le système nerveux.
    • au début de chaque séance, le thérapeute détermine le tissu présentant la tension et le raccourcissement les plus importants.
  • On cherche à individualiser la thérapie en fonction des besoins des participants (ex: habitudes alimentaires, intestinales, communication).
    • On apprend aux parents comment toucher et masser leurs enfants.
  • Manipulation exécutée par un thérapeute expert en manipulation viscérale et neurale.

Résultats

  • Résultats généraux:
    • L’échelle WeeIFM démontre une amélioration de la fonctionnalité chez tous les participants à la fin des interventions, avec 3 sujets qui maintiennent le résultat au follow-up. 
    • L’échelle CPCHILD présente une amélioration de la qualité de vie chez 4 participants pendant les traitements. L’amélioration continue chez 3 sujets au follow-up. 
    • Au niveau intestinal, 3 participants accroissent leur nombre d’évacuation hebdomadaire, allant jusqu’à 8; et 3 participants montrent un péristaltisme plus élevé jusqu’à la fin du follow-up. 
    • Bien qu’il nous manque une significativité statistique à cause du faible nombre de participants, la motilité du colon croît pour tous les participants.
  • Résultats spécifiques:
    • Le cas A n’a plus besoin de suppositoires. Les épisodes de reflux et vomi diminuent. Il connaît une hausse continue au niveau de la fonctionnalité. La qualité de vie s’améliore au bout de 8 semaines et revient aux niveaux qui précèdent l’étude à la fin du follow-up.
    • Le cas B met en évidence une augmentation continue de la qualité de vie, alors que la fonctionnalité régresse en fin de follow-up après avoir augmenté pendant les traitements. La fréquence des évacuations intestinales augmente jusqu’à 11 évacuations par semaine. On tente d’amener l’enfant à surmonter un présumé abus sexuel dont il aurait été victime à l’école.
    • Le cas C soulignent une hausse avec les traitements mais un décroissement au follow-up en termes de qualité de vie et de fonctionnalité. Les évacuations intestinales sont plus fréquentes (3 par semaine). Il commence à utiliser le tricycle et à avoir confiance en d’autres personnes que ses parents.
    • Le cas D observe une hausse continue de la qualité de vie et, malgré une diminution pendant la période de traitements, une amélioration de la fonctionnalité au follow-up. Ses évacuations intestinales sont également plus fréquentes (13 fois par semaine). Et tout ceci malgré une aggravation due à une opération de la hanche avec des médicaments lourds (Valium et Motrin).
    • Le cas E témoigne d’une hausse continue de la qualité de vie et de la fonctionnalité. Sa fréquence quant à l’évacuation intestinale va jusqu’à 8 par semaine.

Commentaires

La majeure partie des participants présente des améliorations dans la fonctionnalité, la qualité de vie à mesure que les traitements se poursuivent, même si dans le follow-up certains s’améliorent et certains s’aggravent.

La principale conclusion réside toutefois dans l’unicité de chaque cas: non seulement les degrés de spasticité, avec les retombées relatives à la motilité intestinale et la douleur, sont très différents, mais les traitements médicamenteux et notamment les vécus émotionnels, personnels et sociaux, sont eux aussi variés. Plusieurs traumatismes sont d’ailleurs dus au toucher, et ne facilitent donc pas la relaxation.

Lorsque la cause ou le mécanisme sous-jacent à la douleur ressentie par les participants est traité, on constate un relâchement du système nerveux et une amélioration de la motilité intestinale. Le même effet est favorisé par les massages enseignés aux parents.

En plus des tissus spécifiques présentant des restrictions, il est crucial de traiter le système nerveux autonome, du crâne au plexus sacré le long du nerf vague.

Pour terminer, il faut insister sur l’importance capitale d’une très bonne capacité palpatoire et une attention accrue aux signaux corporels. Puisque les enfants ne peuvent pas s’exprimer oralement, le thérapeute doit être en mesure de comprendre quand il se trouvent en situation de stress ou de douleur.

La critique Osteopedia

Par Marco Chiera

Forces: l’étude élargit la littérature sur l’OMT, constipation et paralysie cérébrale chez les enfants; introduction large et détaillée; description précise de l’issue des examens palpatoires et des tensions/restrictions chez tous les participants; évaluations cliniques intéressantes sur les mécanismes à la base des dysfonctionnements relevées. Les auteurs reportent des informations importantes concernant le vécu des enfants traités, ce qui permet de comprendre la centralité d’une vision biopsychosociale afin de pouvoir les soigner. 

Limites: comme tous les cas individuels, ceux-ci ne sont pas généralisables; il manque le but de l’article dans le texte (bien qu’il soit bien décrit au début du résumé); la discussion est courte, malgré la présence de plusieurs points de réflexion intéressants, notamment au regard de l’utilité d’un soin global de ces enfants.
La finalité de cette étude est néanmoins reportée d’une « mauvaise façon »: on ne nous dit pas qu’on souhaite évaluer un éventuel effet, ni décrire un effet rencontré, mais que l’on veuille évaluer l’amélioration, ce qui semble d’ailleurs supposer qu’il y en ait. Sémantique mise à part, si cette écriture découle de l’attitude-même des chercheurs, c’est potentiellement risqué dans la mesure où elle peut les avoir amenés à trouver ce qu’ils voulaient. Dans le cas contraire, elle laisse au moins penser le lecteur que les chercheurs ont adopté un comportement similaire.
Lorsqu’il est dit que la manipulation viscérale et neurale ne « cause pas de dégâts », il serait préférable de citer des sources de la littérature en vue d’étayer une affirmation aussi « forte ».

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